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Théâtre


Albert Camus 
Caligula


Acte IV, Scène 14 
Il se tourne sur lui-même, hagard, va vers le miroir.

CALIGULA
Caligula! Toi aussi, toi aussi, tu es coupable. Alors, n'est-ce pas, un petit peu plus, un petit peu moins! Mais qui oserait me condamner dans ce monde sans juge, où personne n'est innocent? (Avec tout l'accent de la détresse, se pressant contre le miroir.) Tu le vois bien, Hélicon n'est pas venu. Je n'aurai pas la lune. Mais qu'il est amer d'avoir raison et de devoir aller jusqu'à la consommation. Car j'ai peur de la consommation. Des bruits d'armes! C'est l'ignorance qui prépare son triomphe. Que ne suis-je à leur place! J'ai peur. Quel dégoût, après avoir méprisé les autres, de se sentir la même lâcheté dans l'âme. Mais cela ne fait rien. La peur non plus ne dure pas. Je vais retrouver ce grand vide où le coeur s'apaise. 
Il recommence à parler, mais d'une voix plus basse et plus concentrée.
CALIGULA
Tout a l'air si compliqué. Tout est si simple pourtant. Si j'avais eu la lune, si l'amour suffisait, tout serait changé. Mais où étancher cette soif? Quel coeur, quel dieu auraient pour moi la profondeur d'un lac? (S'agenouillant et pleurant :) Rien dans ce monde, ni dans l'autre, qui soit à ma mesure. Je sais pourtant, et tu le sais aussi (il tend les bras vers le miroir en pleurant), qu'il suffirait que l'impossible soit. L'impossible! Je l'ai cherché aux limites du monde, aux confins de moi-même. J'ai tendu mes mains, (criant) je tends mes mains et c'est toi que je rencontre, toujours en face de moi, et je suis pour toi plein de haine. Je n'ai pas pris la voie qu'il fallait, je n'aboutis à rien. Ma liberté n'est pas la bonne. Hélicon! Hélicon! Rien! rien encore. Oh, cette nuit est lourde! Hélicon ne viendra pas : nous serons coupables à jamais! Cette nuit est lourde comme la douleur humaine. 
Des bruits d'armes et des chuchotements s' entendent en coulisse.
HELICON (surgissant au fond)
Garde-toi, Caïus! Garde-toi! 
Une main invisible poignarde Hélicon.
Caligula se relève, prend un siège bas dans la main et
approche du miroir en soufflant. Il s'observe, simule un bond
en avant et, devant le mouvement symétrique de son double dans
la glace, lance son siège à toute volée en hurlant
CALIGULA
À l'histoire, Caligula, à l'histoire. 
le miroir se brise et, dans le même moment, par
toutes les
issues, entrent les conjurés en armes. Caligula leur fait face,
avec un rire fou. Le vieux patricien le frappe dans le dos,
Cherea en pleine figure. Le rire de Caligula se transforme
en hoquets. Tous frappent. Dans un dernier hoquet, Caligula,
riant et râlant, hurle :


Je suis encore vivant!